De Warhol au minimalisme
Comment la peinture en chiffres a révolutionné l’art
Le concept du designer Dan Robbins était par inadvertance une parodie de la révérence moderniste des années 50, et a introduit des techniques de peinture abstraite dans les foyers d’Amérique centrale.
Dan Robbins, l’inventeur de la peinture par numéros
Dan Robbins, l’inventeur de la peinture par numéros est décédé à l age de 93 ans.
Il a fallu un génie pour voir le génie de Dan Robbins, il est l’inventeur de la peinture par numéros. Pour les critiques d’art, peindre par numéro était, et est toujours, un mot synonyme de répétition robotique et de manque d’originalité – et c’est exactement ce qu’Andy Warhol adorait dans ce domaine. En 1962, alors qu’il était à la recherche d’un procédé artistique mécanique, il peint une série d’hommages à Robbins. Ses peintures de bricolage imitent des paysages de peinture par chiffres, avec des zones de blocs de couleur plate guidées par une grille de chiffres visibles à travers la peinture.
Warhol
Warhol a reconnu un grand moment de culture pop quand il l’a vu. Lui et Robbins apportaient tous les deux de l’art au peuple. Dans les années 50, le monde de l’art américain se prenait très au sérieux. Des peintres abstraits comme Barnett Newman et Mark Rothko ont peint des dalles sublimes. Peindre par numéros n’était peut-être pas une parodie de cette révérence moderniste, mais c’est bien ce que l’on pouvait croire. Robbins a conçu des scènes pittoresques de fermes et de vallées de montagne que n’importe qui pouvait compléter – c’étaient de bonnes images solides pour de bonnes et solides maisons d’Amérique centrale.
l’abrégé no 1
Pourtant, la relation entre la peinture par chiffres et l’art moderne est plus compliquée qu’il n’y paraît. Le premier kit conçu par Robbins était une nature morte cubiste dans le style de Picasso, car les plans vifs des couleurs étaient, dit-il, faciles à adapter. Il l’a appelé l’abrégé no 1. C’est son patron de l’entreprise de peinture Palmer à Detroit, où il travaillait comme concepteur d’emballages, qui a insisté pour qu’il crée des scènes américaines à la place. Robbins était ravi quand, comme il s’en souvenait : “Quelqu’un a participé à une exposition d’art et a gagné un Abstract No 1. Le jury était très gêné, mais le prix a donné lieu à de nombreux débats sur le concept de l’art…”
Do it yourself
Même la scène la plus apparemment démodée devient abstraite lorsque vous la peignez avec des numéros – après tout, vous la réduisez à un arrangement de couleurs numérotées. Warhol le révèle dans son chef-d’œuvre de 1962, Do It Yourself (Seascape). C’est stupide ou intelligent ? Un hangar à bateaux orange semble se balancer dans la brise contre un ciel chargé de nuages gris et blancs. A travers eux, vous voyez des chiffres. C’est curieusement émouvant.
Si Warhol est le seul artiste célèbre à avoir osé s’associer à ce hobby, son influence secrète se retrouve dans l’art américain des années 60. Les artistes pop et minimalistes se sont mis à simplifier leurs couleurs et leurs formes comme un kit de peinture par numéros. “J’ai essayé de garder la peinture aussi bonne qu’elle l’était dans la boîte de conserve “, dit Frank Stella au sujet de ses peintures minimales en bandes de couleur non mélangée. En fin de compte, l’art simplifié commencé par Robbins a évolué en Carl André créant un chef-d’œuvre abstrait en arrangeant des briques.
Robbins n’a pas seulement inventé un passe-temps divertissant. Il a aidé à changer ce qu’est l’art. Ce fut une révolution numérique.
